Suite aux diverses manifestations déjà organisées sur le sujet dans le passé en Occident, comme celle du printemps dernier au Palazzo Reale à Milan, l’originalité de cette exposition est d’être conçue comme un essai de définition et de meilleure compréhension du concept du « monde flottant », décrit par Asai Ryoi dans sa préface du Ukiyo monogatari (Le Dit du Monde flottant) en 1661. « Vivre seulement pour l’instant, contempler la lune, la neige, les cerisiers en fleurs et les érables rouges ; chanter des airs, boire, se divertir et se laisser flotter comme flotte la gourde au fil de l’eau… » (« …Living only for the moment, turning our full attention to the pleasures of the moon, the snow, the cherry blossoms and the maple leaves ; singing songs, drinking wine, diverting ourselves in just floating… »), écrivait-il alors.
Cette exposition inédite et tant attendue de la rentrée parisienne permettra au public français de découvrir de riches paravents sur fond d’or, cinquante rouleaux peints et cent cinquante estampes qui présenteront ce « monde flottant » et éphémère, illustrant la recherche du plaisir, de l’amusement et la de légèreté, vécu par les courtisanes, les danseuses et les acteurs de kabuki dans les quartiers de divertissements d’Edo (ancien nom pour Tokyo), entre le 16ème et le 17ème siècle. En effet, ces images relatant de la vie raffinée de cette période étaient d’abord présentées sur des rouleaux et des paravents avant de devenir des œuvres plus accessibles grâce à la xylographie polychrome, avec certaines estampes destinées à la masse et d’autres plus délicates, réservées à l’élite bourgeoise et cultivée de la nouvelle société urbaine de l’époque. Ce langage stylistique, par des mouvements de corps et de l’âme très poétiques, a donné naissance à un courant pictural très populaire et innovant, commandité par les citadins et les commerçants, opposés aux milieux fermés aristocratiques et hiérarchisés des shôgun Tokugawa.
L’exposition sera divisée en quatre grandes parties. Tout d’abord, l’évocation de la peinture de genre avec la représentation des amusements collectifs, des loisirs et des fêtes au passage des saisons, à travers une sélection de paravents du 17èmesiècle. Puis, l’émergence de la peinture du Monde flottant avec la figure humaine et les portraits mis au premier plan. Ensuite, l’École de Hishikawa Morunobu, le premier artiste signant ses œuvres et faisant des va-et-vient entre peinture et estampes. Enfin, les estampes avec les grands maîtres du 17èmesiècle : l’École Torii, Harunobu, Kôryusai, Kiyonaga, l’École Katsukawa, Utamaro et la représentation du corps et les images érotiques à travers les Shunga.
Toutes les œuvres exposées proviennent d’une part, du riche fonds d’estampes des collections du musée Guimet et d’autre part, d’emprunts majeurs à des musées publics et privés japonais et européens et à des collections japonaises particulières. Citons la riche collection Tsunoda avec plus de soixante pièces prêtées comprenant plus de cinquante Shunga (estampe érotique), exposées pour la première fois dans de telles proportions au public Français.
« La particularité de cette exposition est la sélection d’œuvres de grande qualité, de sources inédites et quasiment jamais montrées au public », explique Hélène Bayou, la conservateur de la section Japon au musée Guimet et commissaire de l’exposition.